L’orphie : l’éclair argenté de la lagune du Brusc

Fine, rapide, presque invisible à l’œil nu… L’orphie (Belone belone), aussi appelée aiguillette ou bécassine de mer, est l’un des poissons les plus élégants du littoral méditerranéen. Si l’adulte vit le plus souvent en pleine mer, ses jeunes — déjà grands — viennent parfois chercher refuge dans des eaux plus calmes, comme celles de la lagune du Brusc. Et c’est à la fin de l’été, début de l’automne, que l’on peut apercevoir ces juvéniles filer à la surface, souvent près des embarcations traditionnelles, les pointus.
Un profil fuselé pour la vitesse
Impossible de confondre l’orphie avec un autre poisson. Son allure est unique :
- un corps très allongé, presque cylindrique, recouvert de reflets argentés,
- une mâchoire inférieure prolongée en bec, fine comme une aiguille,
- et un déplacement fulgurant, juste sous la surface de l’eau.
Adulte, elle peut mesurer jusqu’à 90 cm, mais dans la lagune, les juvéniles qu’on observe font déjà 40 à 50 cm. Ce sont donc de “grands bébés” ! Leur présence indique une bonne productivité du milieu, car ils viennent se nourrir dans les zones riches en micro-proies.
Où et quand les voir dans la lagune ?
Les orphies adultes ne fréquentent pas la lagune du Brusc, car elles préfèrent le large. En revanche, les juvéniles viennent s’y aventurer à la fin de l’été et au début de l’automne, lorsque l’eau est encore chaude et que les petits poissons et crustacés abondent.
On les observe :
- près de la corniche, en pleine lumière, en fin de matinée ou au coucher du soleil,
- autour des pointus amarrés dans la lagune, où ils trouvent des zones calmes et ombragées,
- au ras de la surface, là où leur corps luit comme un éclair.
Ils semblent parfois curieux, tournant en rond, frôlant les coques, guettant les proies… Leur présence en groupe donne une impression de ballet aquatique, rapide et silencieux.
Une technique de chasse éclair
L’orphie est un prédateur redoutable. Elle chasse en embuscade ou en poursuite, et son anatomie est parfaitement adaptée :
- Son bec étroit permet de piquer une proie avec précision, comme un sabre,
- Elle utilise ses yeux bien placés pour viser en surface,
- Et sa vitesse de nage la rend presque inattrapable.
Son régime alimentaire est essentiellement composé de :
- petits poissons (gobies, anchois, athérines),
- crevettes et larves de crustacés,
- parfois insectes tombés à l’eau.
En lagune, elle trouve un garde-manger bien garni… mais aussi une certaine tranquillité loin de la concurrence du large.
Un poisson mal aimé… à tort
L’orphie est parfois ignorée des pêcheurs, car ses arêtes sont vertes, ce qui peut surprendre. Pourtant, cette coloration est totalement naturelle (due à la biliverdine, un pigment inoffensif), et sa chair est fine et délicieuse.
En Méditerranée, elle est pêchée traditionnellement au bouchon ou à la traîne légère, souvent en bord de côte. Mais dans la lagune du Brusc, sa pêche est interdite, comme toute forme de prélèvement, afin de protéger les juvéniles et l’équilibre du milieu.
Un indicateur de santé des lagunes
Comme beaucoup d’espèces de poissons, l’orphie juvénile est sensible à la qualité de l’eau et à la tranquillité de son environnement. Sa présence dans la lagune du Brusc est donc un bon signe : cela signifie que l’écosystème est encore capable de nourrir et d’abriter des espèces mobiles, rapides, et exigeantes.
Mais cette présence peut être fragile :
- le bruit,
- les passages répétés de paddles ou kayaks au ras des zones calmes,
- ou les rejets polluants peuvent faire fuir les orphies, même juvéniles.
C’est pour cela que l’association Lei Bruscadou milite activement pour limiter la surfréquentation des zones sensibles, poser des ganivelles, canaliser les mises à l’eau, et protéger ces moments rares où la lagune redevient un sanctuaire.
Comment les observer sans les déranger ?
Si vous êtes curieux de voir une orphie dans la lagune :
- Évitez les zones centrales : elles sont trop peu profondes ou vaseuses.
- Privilégiez les endroits calmes, surtout autour des barques et des zones de mouillage.
- Installez-vous sur la corniche, ou approchez à plat ventre sur votre paddle, en silence, tôt le matin ou au coucher du soleil.
- Ne tapez pas sur l’eau, n’agitez pas vos pagaies inutilement.
La clé, c’est la discrétion. Plus vous êtes calme, plus vous avez de chances de voir filer ce poisson éclair, sans l’effrayer.
Un invité de fin d’été
L’orphie ne reste pas toute l’année dans la lagune du Brusc. Elle arrive avec les chaleurs de fin d’été, reste parfois jusqu’à octobre, puis repart vers le large. Sa présence brève mais régulière est un petit miracle naturel, une rencontre qu’on n’oublie pas.
Alors si vous la croisez lors d’une balade sur la corniche ou d’une session paddle tranquille, prenez le temps de l’observer. Elle est rapide, mais si gracieuse…