Le mulet : un poisson discret, essentiel et plein de ressources

Par Lei BRUSCADOU

Le mulet, que l’on appelle aussi muge dans le sud de la France, fait partie de ces poissons qu’on remarque peu… et qui pourtant jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes côtiers comme celui de la lagune du Brusc. Présents en bancs silencieux, ces poissons tranquilles filtrent, nettoient et animent les zones peu profondes, entre sable et herbiers.


Un poisson robuste et adaptable

Il existe plusieurs espèces de mulets, mais dans la lagune du Brusc, le plus fréquent est le mulet cabot (Chelon labrosus), reconnaissable à sa bouche large, ses lèvres épaisses, et son dos gris-bleu.

Le mulet est un poisson :

  • Omnivore, mais qui se nourrit surtout de matière organique en décomposition,
  • Adapté aux eaux calmes, peu profondes et parfois pauvres en oxygène,
  • Capable de vivre aussi bien en eau douce qu’en eau salée.

C’est donc un survivant, qui trouve dans la lagune un habitat idéal.


Où les observer dans la lagune ?

Les mulets sont présents toute l’année dans la lagune du Brusc. On les voit souvent :

  • En bancs calmes, glissant juste sous la surface,
  • Parfois seuls, s’alimentant dans les vasières ou le long des pontons.

Pour les observer, rien de plus simple :

  • Depuis la corniche, en matinée, quand la lumière rase révèle les ombres dans l’eau.
  • Ou à plat ventre sur son paddle, à la recherche des remous qu’ils provoquent en fouillant le fond.

(Pour rappel, la baignade et le snorkeling sont interdits dans la lagune afin de préserver son écosystème fragile.)


Le rôle écologique du mulet

Le mulet n’est pas un super-prédateur, ni un poisson coloré spectaculaire. Mais il est un acteur écologique essentiel :

  • Il nettoie les fonds en ingérant les particules fines, les algues mortes et les micro-organismes.
  • Il contribue à l’oxygénation des sédiments.
  • Il recycle les nutriments, permettant à l’écosystème de rester en équilibre.

En quelque sorte, c’est le jardinier discret de la lagune.


Un poisson mal-aimé ?

Parce qu’il n’est ni rare, ni particulièrement recherché en pêche, le mulet est souvent sous-estimé. Certains pêcheurs le boudent, d’autant plus que ses chairs peuvent parfois avoir un goût “de vase”, surtout s’il est prélevé en zone polluée ou stagnante.

Pourtant, c’est un poisson :

  • Économique, abondant, et riche en protéines,
  • Consommé dans de nombreux pays méditerranéens, notamment sous forme de boutargue (œufs séchés),
  • Et souvent utilisé comme indicateur de bonne santé des milieux humides.

Le mulet dans la lagune : un symbole de résilience

Dans la lagune du Brusc, la présence de mulets est un bon signe. Elle montre que l’eau est encore suffisamment oxygénée, que les herbiers jouent leur rôle, et que la vie circule dans cet espace fermé.

Cependant, la pression humaine (mise à l’eau non contrôlée des paddles, perturbation des sédiments, surfréquentation) peut troubler cette tranquillité. Les mulets sont sensibles au bruit, à la turbidité excessive, et aux polluants.

Notre association Lei Bruscadou, en luttant pour restaurer les herbiers et réduire l’impact de la surfréquentation, aide indirectement à préserver ces poissons discrets mais essentiels.


Une observation apaisante

Regarder des mulets nager, c’est une forme de méditation. Leur déplacement lent, en bancs parfaitement synchronisés, offre un spectacle paisible et naturel, loin de l’agitation de la plage voisine. C’est aussi une invitation à repenser notre rapport à la nature : faut-il qu’un animal soit rare ou spectaculaire pour mériter notre attention ?


Un poisson à respecter

Les mulets sont souvent les premiers poissons rencontrés par les enfants lors d’une promenade en bord de lagune. Ils sont curieux, parfois un peu confiants, et restent à portée de regard. Ce sont des poissons parfaits pour sensibiliser le public à l’importance des écosystèmes lagunaires.

Respecter le mulet, c’est aussi respecter :

  • Les fonds marins fragiles,
  • Les herbiers marins en régénération,
  • Et les équilibres naturels subtils d’une lagune unique en Méditerranée, fermée non pas par du sable, mais par un récif barrière de posidonie.

Alors la prochaine fois que vous verrez un mulet fendre l’eau calme de la lagune, prenez un moment. Observez. Écoutez. Et souvenez-vous qu’il est peut-être le plus modeste des gardiens de ce petit paradis côtier.