L’araignée de mer, la discrète acrobate de la lagune du Brusc

Par Lei BRUSCADOU

On l’imagine souvent comme un monstre des profondeurs, avec ses longues pattes fines et son allure étrange. Et pourtant, l’araignée de mer, ou maïa squinado, est une créature fascinante, inoffensive, et parfaitement adaptée à la vie dans les eaux de la lagune du Brusc. Si vous avez de bons yeux (et un peu de chance), vous pourrez peut-être la croiser lors d’une sortie en snorkeling ou au détour d’un rocher couvert d’algues.


Une drôle de silhouette, bien camouflée

Ce qui frappe d’abord chez l’araignée de mer, c’est son aspect unique :

  • Une carapace triangulaire pouvant atteindre jusqu’à 20 cm de large
  • Huit longues pattes fines, articulées, qui lui donnent une allure de marcheuse sur échasses
  • Une petite tête avec deux yeux globuleux… et une capacité étonnante à se fondre dans le décor

Car oui, l’araignée de mer est la reine du camouflage. Elle se couvre souvent d’algues, d’éponges, de petits animaux marins qu’elle accroche à sa carapace grâce à de petits crochets naturels. Cette « tenue de camouflage » la rend quasiment invisible, même en pleine eau claire.

Dans la lagune du Brusc, où les fonds sont variés (herbiers, graviers, rochers, posidonie morte), elle trouve de nombreux refuges pour s’abriter. C’est un milieu parfait pour cette espèce discrète et paisible.


Un comportement étonnant

Contrairement à ce que sa taille pourrait laisser penser, l’araignée de mer n’est pas un prédateur agressif. Elle est plutôt charognarde ou détritivore : elle se nourrit de petits débris organiques, d’algues, de restes d’animaux morts ou de petits invertébrés. Elle joue donc un rôle de nettoyage très utile dans l’écosystème.

Elle se déplace lentement, mais avec grâce. Si elle se sent menacée, elle ne vous attaquera pas : elle préfèrera se replier sur elle-même ou fuir doucement vers un abri. Et si elle est encore jeune, elle pourra se glisser dans des interstices minuscules grâce à ses pattes fines et souples.

Dans la lagune, les naturalistes de l’association Lei Bruscadou ont noté la présence régulière d’araignées de mer adultes et juvéniles, signe que la reproduction a lieu localement, malgré les pressions humaines sur la zone.


Une reproduction étonnante… et fragile

Comme de nombreux crustacés, la maïa squinado a un cycle de vie complexe. La reproduction a lieu au printemps ou en été, après une mue de la femelle. Le mâle la féconde, puis elle porte des milliers d’œufs sous son abdomen pendant plusieurs semaines.

Une fois éclos, les jeunes larves passent par plusieurs stades de développement avant de devenir des juvéniles. La lagune du Brusc offre un abri idéal pour ces jeunes individus : peu de courants, beaucoup de cachettes, et une pression prédatrice modérée.

Mais attention : ce cycle est très sensible aux perturbations :

  • La pollution de l’eau peut affecter les larves
  • Le dérangement humain (kayaks, paddles, piétinement) détruit les cachettes
  • La pêche de loisir prélève parfois des individus trop jeunes ou en période de reproduction

C’est pourquoi la protection de la lagune est essentielle pour que l’araignée de mer continue d’y prospérer.


Un patrimoine naturel à faire découvrir… sans déranger

L’araignée de mer est un animal inoffensif pour l’être humain, mais il reste mal aimé, voire craint, à cause de son allure peu engageante. Pourtant, elle mérite d’être mieux connue et appréciée, pour plusieurs raisons :

✅ Elle est unique dans son apparence et son comportement
✅ Elle participe à l’équilibre de l’écosystème
✅ Elle est indicateur de bonne santé environnementale

Si vous en croisez une dans la lagune :

  • Ne la touchez pas : ses pattes sont fragiles
  • Ne la sortez jamais de l’eau : comme tous les crustacés, elle ne supporte pas l’air longtemps
  • Observez-la de loin, et profitez de ce moment rare !

Une espèce protégée dans certaines régions

En Méditerranée, l’araignée de mer a connu un déclin dans plusieurs zones, en particulier à cause de la surpêche et de la perte d’habitat. Dans certaines régions, elle fait l’objet de mesures de protection, comme l’interdiction de pêche en période de reproduction ou des tailles minimales de capture.

À ce jour, aucune interdiction spécifique ne la protège dans la lagune du Brusc, mais l’association Lei Bruscadou milite pour que la zone devienne un véritable sanctuaire pour les espèces sensibles, comme les hippocampes, les syngnathes… et les araignées de mer.


Une biodiversité précieuse… à préserver ensemble

La présence d’araignées de mer dans la lagune du Brusc est un signe encourageant. Elle prouve que, malgré les pressions touristiques, les pollutions diffuses, et les usages parfois mal encadrés, la nature peut encore s’exprimer dans ce petit coin de Méditerranée unique au monde.

Mais cette richesse n’est pas acquise. Elle dépend :

  • De la bonne gestion des usages
  • Du respect de la faune par les visiteurs
  • De l’engagement citoyen pour protéger ce patrimoine commun

Alors la prochaine fois que vous viendrez au Brusc, ouvrez l’œil, soyez curieux… mais aussi respectueux. Car sous la surface tranquille de la lagune, une multitude de petites merveilles vivent en silence, comme l’araignée de mer, acrobate paisible et précieuse du monde sous-marin.