La rascasse, la discrète gardienne des fonds de la lagune du Brusc

Sous les eaux claires de la lagune du Brusc, entre les rochers, les algues et les herbiers de posidonie, se cache un poisson étrange, souvent immobile, parfaitement camouflé : la rascasse. Ce poisson emblématique de la Méditerranée, que l’on connaît pour son rôle dans la célèbre bouillabaisse, est avant tout un redoutable chasseur, et un acteur clé de l’équilibre écologique local.
Discrète, farouche et fascinante, la rascasse est bien présente dans la lagune du Brusc, même si on l’aperçoit rarement. Voici de quoi mieux la connaître et la reconnaître, tout en respectant son espace.
Une apparence sculptée pour l’embuscade
La rascasse (Scorpaena spp.) est un poisson trapu, court sur pattes (ou plutôt sur nageoires), mais incroyablement bien adapté à son milieu :
- Elle possède un corps bosselé, avec des excroissances et des lambeaux de peau qui imitent parfaitement les algues et les rochers.
- Ses couleurs varient du rouge brique au brun, avec des taches sombres et claires qui la rendent quasiment invisible sur le fond marin.
- Elle est équipée de rayons épineux venimeux sur la tête et les nageoires dorsales : un excellent moyen de dissuasion contre les prédateurs.
Cette morphologie lui permet de se fondre dans le décor… au point qu’on peut passer à quelques centimètres sans la voir ! Un camouflage parfait pour chasser à l’affût.
Un chasseur patient et précis
La rascasse est une chasseuse embusquée. Elle reste immobile pendant de longues minutes, posée sur le fond, les nageoires étalées. Lorsqu’une proie (petit poisson, crevette, crabe…) passe à portée, elle l’aspire d’un coup de bouche fulgurant.
Sa technique est d’une efficacité redoutable : en une fraction de seconde, sa gueule s’ouvre en grand et crée une dépression qui aspire littéralement la proie, sans qu’elle ait le temps de réagir.
Ce comportement, souvent nocturne, est facilité dans la lagune du Brusc par :
- La richesse en petits poissons (blennies, gobies, alevins…)
- La présence de nombreux refuges (rochers, épaves, posidonies)
- Une eau calme et peu profonde, qui favorise la chasse à l’affût
Venimeuse, mais pas dangereuse… si on la respecte
La rascasse n’est pas agressive, mais elle possède des épines dorsales venimeuses. Ce venin n’est pas mortel pour l’humain, mais une piqûre peut provoquer :
- Une douleur vive, localisée
- Une enflure ou une inflammation
- Parfois une fièvre ou un malaise chez les personnes sensibles
Les plongeurs et pêcheurs doivent donc être prudents : toujours regarder où l’on pose les mains ou les pieds, surtout en explorant des zones rocheuses.
Dans la lagune, les risques sont faibles, car la rascasse se tient éloignée des zones très fréquentées, mais le respect de la faune est essentiel : ne la touchez jamais, ne tentez pas de la déplacer ou de la déranger.
Une espèce précieuse mais vulnérable
La rascasse est un poisson lent :
- Elle grandit lentement
- Elle se reproduit tardivement
- Elle a une faible capacité de dispersion (elle reste souvent fidèle à un petit territoire)
Ces caractéristiques la rendent particulièrement vulnérable à la surpêche, mais aussi à la dégradation de son habitat. Dans la lagune du Brusc, les menaces sont nombreuses :
- Piétinement des fonds (plongée sans précaution, ancrages sauvages)
- Pollution et turbidité de l’eau qui affectent les petits poissons proies
- Pression de la pêche de loisir, qui prélève parfois des individus adultes sans distinction
C’est pourquoi l’association Lei Bruscadou milite activement pour la tranquillité de la lagune, la régulation des usages nautiques, et la protection des zones refuges.
Une rencontre rare et précieuse
Croiser une rascasse dans son environnement naturel, c’est comme tomber sur un trésor vivant. Si cela vous arrive, adoptez le bon réflexe :
- Observez sans approcher trop près
- Ne touchez jamais, même si elle semble inerte
- Profitez de l’instant, sans flash, sans stress
C’est cette attitude respectueuse qui permet de continuer à partager la lagune avec ses habitants tout en les laissant vivre paisiblement.
Un témoin de la richesse cachée du Brusc
La rascasse n’est pas le poisson le plus spectaculaire, ni le plus coloré… mais elle incarne à merveille la beauté discrète et sauvage de la lagune du Brusc.
Sa présence nous rappelle que :
- La biodiversité se niche dans les moindres recoins
- Chaque espèce a un rôle dans l’équilibre de l’écosystème
- Il faut savoir ralentir, regarder, et respecter pour voir ce que la nature a de plus beau à offrir
Et si vous aimez ce type de rencontres, souvenez-vous : la meilleure manière de les multiplier, c’est de préserver les conditions qui les rendent possibles. C’est ce que fait au quotidien l’association Lei Bruscadou, avec ses actions de sensibilisation, de restauration des habitats, et de dialogue avec les pouvoirs publics pour faire de la lagune un sanctuaire pour la faune méditerranéenne.