Le loup, roi discret de la lagune du Brusc

Par Lei BRUSCADOU

Discret, rapide, intelligent… Le loup de mer — ou bar européen — est l’un des prédateurs emblématiques de la Méditerranée. À la fois recherché par les pêcheurs pour sa chair savoureuse et redouté par les petits poissons pour sa technique de chasse, il est aussi l’un des hôtes les plus fascinants de la lagune du Brusc.

Mais pour l’apercevoir, il faut être patient, attentif… et surtout silencieux.


Un poisson au nom trompeur

Derrière son nom de “loup”, ce poisson n’a rien d’un mammifère. Il doit cette appellation à son comportement de prédateur rusé :

  • Il peut chasser en groupe,
  • Il attaque vite, souvent par surprise,
  • Et il choisit ses proies avec discernement.

On l’appelle aussi bar européen, surtout dans les régions atlantiques. En Méditerranée, c’est “le loup”, et dans la lagune du Brusc, il rôde dans les herbiers et les zones calmes, profitant de la richesse du milieu.


Une silhouette reconnaissable

Le loup a une allure élégante et puissante :

  • Un corps fuselé, gris argenté, aux reflets bleutés,
  • Une grande bouche garnie de dents fines,
  • Et un œil perçant, toujours à l’affût.

Adulte, il peut mesurer jusqu’à 70 cm, voire plus d’un mètre en pleine mer. Dans la lagune, on observe plutôt des individus jeunes, qui viennent y grandir, se nourrir… et parfois s’y faire piéger par des pêcheurs imprudents.


Où et comment l’observer ?

Le loup est présent dans la lagune du Brusc toute l’année, mais il est particulièrement visible tôt le matin ou en fin de journée, quand la lumière est rasante et les eaux plus calmes.

On peut le repérer :

  • Depuis la corniche, en observant les remous discrets près des herbiers,
  • Ou à plat ventre sur son paddle, en longeant les bordures de posidonies ou les zones sableuses.

La baignade et le snorkelling étant interdits dans la lagune, ces deux méthodes sont les seules façons de l’observer dans le respect des règles.


Un prédateur malin

Le loup n’est pas un chasseur brutal. C’est un poisson rusé :

  • Il peut suivre un banc de petits poissons pendant plusieurs minutes,
  • Puis surgir d’un coup, en une attaque éclaire,
  • Il est aussi capable de changer de comportement selon les conditions : solitaire ou en petits groupes, rapide ou lent, il s’adapte.

Dans la lagune, il se nourrit surtout de mulets juvéniles, d’athérines, et parfois de crevettes. Il apprécie aussi les zones troubles, où il peut surprendre ses proies plus facilement.


Une jeunesse en lagune

Les lagunes méditerranéennes, comme celle du Brusc, sont des nurseries naturelles pour le loup. Les jeunes y trouvent :

  • Des eaux plus chaudes que la mer,
  • Moins de prédateurs adultes,
  • Une abondance de nourriture.

Mais cette richesse est fragile. L’arrivée massive de paddles, kayaks, baigneurs, et les pressions humaines diverses troublent ces zones pourtant essentielles à la croissance des poissons.


Une pêche controversée

Dans la lagune du Brusc, la chasse sous-marine est interdite, mais la pêche de loisir est encore autorisée… pour l’instant. Pourtant, comme le souligne l’association Lei Bruscadou, les poissons qu’on y capture sont souvent des juvéniles.

Prendre un loup de 20 ou 25 cm, c’est le priver de sa croissance, de sa capacité à se reproduire. Et c’est aussi prendre un poisson que l’on aurait considéré comme “petit” il y a 80 ans. Le film du Commandant Cousteau, “Par 18 mètres de fond” (1942), tourné au Brusc, montrait des prises énormes, de vrais adultes. Aujourd’hui, ces super-prédateurs ont disparu du paysage.

C’est pourquoi l’association propose de mieux encadrer les pratiques de pêche, voire de l’interdire complètement dans la lagune pour préserver cette jeunesse piscicole.


Un indicateur de l’équilibre lagunaire

Le loup n’est pas juste un poisson “prestigieux”. C’est aussi un indicateur précieux de la santé de l’écosystème. Sa présence régulière signifie que :

  • La chaîne alimentaire est en place (proies nombreuses),
  • Les herbiers sont en bon état (zone de chasse idéale),
  • Le milieu reste encore suffisamment calme et fonctionnel.

Mais si les jeunes loups disparaissent, c’est que le déséquilibre s’installe. C’est là que les mesures de protection prennent tout leur sens.


Un prince à protéger

Il y a quelque chose de noble dans la silhouette du loup, dans son regard, dans sa manière d’évoluer sans bruit dans l’eau. C’est un poisson qui commande le respect. Et c’est aussi un atout pour la biodiversité de la lagune.

En protégeant les herbiers, en limitant la pression humaine, en interdisant les pêches de juvéniles, nous donnons à ces jeunes prédateurs une chance de grandir, de revenir, et de perpétuer l’équilibre de la lagune du Brusc.