Hippocampes et syngnathes : les drôles de poissons de la famille des syngnathidés

Quand on parle de créatures marines étranges et attachantes, l’hippocampe fait souvent figure de star. Avec sa forme de petit cheval, son amour fidèle et son ventre de futur papa, il fascine petits et grands. Mais il n’est pas seul dans sa famille ! Il a des cousins bien moins connus mais tout aussi étonnants : les syngnathes.
Tous appartiennent à la grande famille des syngnathidés, une famille de poissons hors norme, aux corps allongés, aux museaux tubulaires, et aux habitudes surprenantes. Et la bonne nouvelle, c’est que la lagune du Brusc abrite plusieurs de ces représentants, notamment un discret habitant nommé le syngnathe siphonostome.
Une famille de poissons… pas comme les autres
La famille des syngnathidés comprend plus de 300 espèces dans le monde, réparties en deux grands groupes :
🔹 Les hippocampes (genre Hippocampus)
🔹 Les syngnathes (ou « poissons-aiguilles »), répartis dans plusieurs genres (Syngnathus, Entelurus, etc.)
Ce qui les unit ? Une série de caractéristiques uniques dans le règne animal :
- Un corps recouvert de plaques osseuses rigides (pas d’écailles souples)
- Une bouche en tube, sans mâchoires mobiles, pour aspirer les proies par effet de succion
- Une absence de nageoire caudale (la queue des poissons classiques)
- Et surtout : chez eux, c’est le mâle qui porte les œufs !
Des champions du camouflage
Les syngnathidés vivent généralement dans des zones peu profondes, riches en végétation : herbiers marins, champs d’algues, lagunes protégées. Leur morphologie est parfaite pour se fondre dans le décor. Avec leur corps fin et rigide, et leurs couleurs qui imitent les feuilles ou les tiges, ils sont presque invisibles aux yeux non avertis.
Dans la lagune du Brusc, ce camouflage est une stratégie essentielle pour :
- Échapper aux prédateurs
- Chasser les petites proies (copépodes, crustacés planctoniques)
- Reproduire en toute discrétion
Focus sur un résident discret : le syngnathe siphonostome
Parmi les espèces présentes dans la lagune du Brusc, le syngnathe siphonostome (Syngnathus abaster) est l’un des plus fréquents… mais aussi l’un des plus difficiles à observer. Il peut mesurer jusqu’à 20 centimètres, avec un corps allongé comme un fil, de couleur brune à verdâtre.
Il tire son nom de :
- “Syngnathe”, du grec syn (avec) et gnathos (mâchoire), car ses mâchoires sont soudées
- “Siphonostome”, car sa bouche forme un long siphon
On le trouve souvent accroché, immobile, dans les herbiers de zostères ou de cymodocées. Il peut aussi se déplacer lentement, à la verticale, comme une feuille morte portée par le courant.
Un mode de reproduction hors du commun
Comme les hippocampes, les syngnathes ont une particularité extraordinaire : le mâle porte les œufs.
Mais chez le siphonostome, pas de poche ventrale comme chez les hippocampes. À la place :
- Le mâle développe une zone spécialisée sous le ventre, où la femelle colle les œufs
- Ces œufs y restent fixés plusieurs semaines, jusqu’à l’éclosion
- Le mâle les nourrit et les oxygène en permanence
Cette stratégie permet à la femelle de produire une nouvelle ponte pendant que le mâle couve : une répartition originale des tâches parentales que la nature semble avoir optimisée !
Une présence précieuse… mais menacée
Comme leurs cousins les hippocampes, les syngnathes sont sensibles aux perturbations de leur environnement :
- Destruction des herbiers marins
- Pollution de l’eau
- Trop forte fréquentation humaine (mouillages, paddles, mise à l’eau sauvage…)
La lagune du Brusc, avec ses eaux calmes, ses herbiers riches, et ses zones protégées, est un refuge précieux pour les syngnathes siphonostomes. Mais ce fragile équilibre peut facilement se rompre.
Notre association, Lei Bruscadou, œuvre activement à restaurer et protéger les habitats des syngnathidés, notamment en :
- Réimplantant des herbiers dégradés
- Sensibilisant le public aux bons gestes à adopter (pas d’ancrage sauvage, pas de piétinement)
- Luttant contre la surfréquentation (via l’installation de ganivelles par exemple)
Comment les observer (sans les déranger) ?
Le meilleur moyen d’observer les syngnathes et hippocampes est de :
- Plonger masque et tuba, calmement, sans bruit
- Observer lentement les herbiers, les yeux au ras de l’eau
- Ne jamais toucher ni manipuler les animaux, même s’ils semblent immobiles
- Ne pas les prendre en photo avec flash ni les coincer pour une “meilleure” image
Ils sont protégés par la loi : la collecte ou la perturbation des syngnathidés est interdite.
En résumé
🔹 Les hippocampes et les syngnathes font partie de la famille des syngnathidés
🔹 Ils ont un corps rigide, une bouche en tube, et les mâles couvent les œufs
🔹 Le syngnathe siphonostome est présent dans la lagune du Brusc
🔹 Très discret, il vit camouflé dans les herbiers et se nourrit par aspiration
🔹 Il est un indicateur précieux de la qualité des eaux côtières
🔹 Sa survie dépend de la préservation de son habitat
Un trésor discret, mais révélateur
Le syngnathe, c’est un peu l’hippocampe de l’ombre. Moins célèbre, moins “mignon”, mais tout aussi fascinant. Sa présence dans la lagune du Brusc est un bon signe. Elle nous dit que malgré la pression humaine, la vie fragile continue… si on lui en laisse la chance.
Et si la prochaine fois que vous vous baladez au bord de la lagune, vous regardiez d’un peu plus près les herbiers ? Peut-être qu’un habitant discret vous y observe déjà…