Les hippocampes de Méditerranée : ces discrets habitants menacés de nos lagunes

On les connaît tous, au moins de nom ou d’image : ces petits poissons à l’allure de cheval, qui semblent tout droit sortis d’un conte marin. Mais saviez-vous que deux espèces d’hippocampes vivent en Méditerranée ? Et qu’elles sont aujourd’hui en danger, principalement à cause de la dégradation de leur habitat naturel ? On vous embarque à la découverte de ces animaux aussi fascinants que fragiles, et des actions menées pour leur donner un avenir, notamment dans la lagune du Brusc.
Deux espèces d’hippocampes chez nous
La Méditerranée abrite deux espèces d’hippocampes :
- L’hippocampe moucheté (Hippocampus guttulatus), reconnaissable à son corps allongé et ses petites taches claires.
- L’hippocampe à museau court (Hippocampus hippocampus), plus trapu, avec un museau plus court, comme son nom l’indique.
Tous deux vivent dans les eaux côtières peu profondes, à proximité immédiate des fonds marins couverts de végétation. Ils affectionnent particulièrement les herbiers marins (comme la posidonie ou la cymodocée), mais aussi les fonds vaseux ou les zones de lagunes, riches en biodiversité.
Discrets et difficiles à étudier
Aussi photogéniques soient-ils, les hippocampes sont très difficiles à observer dans leur environnement naturel. Leur taille modeste, leur capacité à se camoufler parfaitement dans les plantes, leur faible mobilité et leur comportement discret les rendent presque invisibles à l’œil non averti.
Résultat : malgré l’intérêt qu’ils suscitent, on en sait encore très peu sur eux. Les données disponibles sont souvent incomplètes, voire inexistantes sur certains sites. Ils sont donc aujourd’hui classés comme “data deficient” (données insuffisantes) par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). C’est un vrai problème : comment protéger une espèce si on ne connaît ni sa population, ni ses mouvements, ni ses besoins précis ?
Un habitat en danger
Le principal danger pour les hippocampes n’est pas la pêche, mais la destruction progressive de leur habitat. Les herbiers marins, qui leur servent à la fois de refuge, de site de reproduction et de garde-manger, sont en déclin rapide.
Les causes sont nombreuses :
- Pollution des eaux côtières
- Urbanisation du littoral
- Mouillages sauvages
- Activités nautiques intensives
- Changement des apports en eau douce dans les lagunes
Dans des zones sensibles comme la lagune du Brusc, près de Six-Fours-les-Plages, ces pressions sont encore plus fortes. Ce type de lagune est un milieu riche mais fragile, très vulnérable aux changements environnementaux. Et quand les herbiers disparaissent, ce sont les hippocampes – et bien d’autres espèces – qui s’évanouissent avec eux.
Des suivis scientifiques essentiels
Heureusement, des efforts de suivi et de recherche sont menés pour mieux comprendre les populations d’hippocampes et tenter de les protéger.
L’Institut Océanographique Paul Ricard, installé sur l’île des Embiez, est l’un des acteurs de référence sur le sujet. Depuis des années, ses équipes mènent des études sur la faune marine locale, y compris les hippocampes du Brusc. Ils réalisent des suivis réguliers, récoltent des données sur leur répartition, leur comportement et leur état de santé.
L’Institut Marin du Seaquarium, situé au Grau-du-Roi, joue également un rôle important. Il combine recherche scientifique, sensibilisation du grand public et projets participatifs. Grâce à eux, les hippocampes ne sont plus seulement des créatures mystérieuses, mais deviennent de vrais ambassadeurs de la protection des milieux marins.
Et comment ne pas citer Patrick Louisy, biologiste marin passionné, spécialiste des hippocampes en Méditerranée. À travers son travail de recherche et les actions de son association Peau-Bleue, il a contribué à faire progresser la connaissance de ces espèces bien au-delà du cercle des experts.
Un projet local pour restaurer l’habitat des hippocampes
Face à ce constat, notre association a décidé d’agir concrètement, en lançant un programme de restauration des herbiers de la lagune du Brusc. L’idée est simple : si on veut revoir les hippocampes revenir, il faut d’abord leur redonner un habitat sain.
Le projet consiste à :
- Réimplanter des herbiers (notamment Cymodocea nodosa) dans les zones dégradées
- Protéger les zones sensibles (limitation des ancrages, sensibilisation des usagers)
- Suivre les évolutions de la biodiversité avec les partenaires scientifiques
- Impliquer les habitants et les visiteurs dans la protection de la lagune
Ce n’est qu’en recréant des conditions favorables que l’on pourra espérer un retour durable des hippocampes dans cet écosystème si particulier. Car ces petits poissons, au-delà de leur beauté, sont aussi des indicateurs précieux de la santé des zones côtières.
Un symbole fort pour la Méditerranée
Les hippocampes ne sont pas seulement des créatures poétiques. Ils sont le reflet de l’état de nos littoraux, de leur équilibre fragile, et de notre capacité à les préserver. En restaurant les herbiers, en améliorant nos connaissances, et en mobilisant chacun autour de leur sauvegarde, nous faisons bien plus que protéger une espèce : nous protégeons tout un écosystème.
Alors la prochaine fois que vous regarderez la mer, pensez à eux : petits, timides, mais essentiels. Et peut-être, un jour, aurez-vous la chance d’en croiser un, accroché à une herbe marine, dans une lagune redevenue vivante.