đ« La lagune du Brusc piĂ©tinĂ©e : quand lâĂ©tĂ© menace lâĂ©quilibre dâun milieu fragile

La lagune du Brusc, Ă Six-Fours-les-Plages, est un petit coin de nature exceptionnel, un Ă©crin de biodiversitĂ© entre mer et terre. Mais chaque Ă©tĂ©, ce joyau Ă©cologique subit une pression intense liĂ©e Ă la frĂ©quentation touristique. Si les promeneurs et baigneurs ne voient souvent quâune Ă©tendue paisible propice Ă la dĂ©tente, ils ignorent parfois (ou feignent de lâignorer) que sous leurs pas, une vie prĂ©cieuse est en danger.
Le piĂ©tinement du fond de la lagune, causĂ© par des comportements non adaptĂ©s â kayaks Ă©chouĂ©s, pagayeurs maladroits, chutes de paddle, mises Ă lâeau anarchiques â provoque de vĂ©ritables dĂ©gĂąts Ă©cologiques, compromettant des annĂ©es dâefforts de restauration et de protection.
Un écosystÚme vulnérable sous la surface
Sous les eaux calmes de la lagune du Brusc se cachent des herbiers de cymodocĂ©e, ces prairies sous-marines prĂ©cieuses qui jouent un rĂŽle vital dans lâĂ©quilibre de lâĂ©cosystĂšme : elles stabilisent les fonds, oxygĂšnent lâeau, accueillent de nombreuses espĂšces, et participent mĂȘme Ă la lutte contre le rĂ©chauffement climatique.
Mais ces herbiers ne sont pas indestructibles. Leur base, appelĂ©e rhizome, est extrĂȘmement fragile. Il suffit dâun coup de pagaie dans le fond, dâun pied enfoncĂ© dans la vase, ou dâun Ă©chouage rĂ©pĂ©tĂ© de kayak pour briser ce rĂ©seau vivant. Et contrairement Ă une pelouse terrestre, il faut parfois des annĂ©es pour quâun herbier marin se rĂ©gĂ©nĂšre.
Dans ces zones, on trouve aussi des terriers de micro-crustacĂ©s, des petits invertĂ©brĂ©s qui vivent dans les sĂ©diments et participent au bon fonctionnement de lâĂ©cosystĂšme. Leurs terriers sont dĂ©truits dĂšs quâun pied ou une pagaie sâenfonce dans le fond vaseux.
Un problÚme saisonnier⊠mais intense
Ce phénomÚne est particuliÚrement marqué pendant la saison estivale. En hiver, la population locale, bien informée, agit avec prudence. Elle connaßt la valeur de la lagune du Brusc, respecte les zones sensibles, et participe souvent à sa protection.
Mais dĂšs lâarrivĂ©e des beaux jours, lâafflux massif de touristes change la donne. Promeneurs, baigneurs, paddleurs et kayakistes investissent la lagune, souvent sans connaissance de sa fragilitĂ©. Beaucoup marchent dans lâeau pour rejoindre leur embarcation, sâĂ©chouent dans les zones dâherbiers, ou se mettent Ă lâeau nâimporte oĂč, parfois mĂȘme dans les zones protĂ©gĂ©es.
Certains ignorent les rĂšgles par mĂ©connaissance, d’autres font dĂ©libĂ©rĂ©ment abstraction des panneaux de sensibilisation, pourtant bien prĂ©sents sur les sentiers. Le rĂ©sultat ? Une pression physique constante sur le fond de la lagune, qui dĂ©truit chaque Ă©tĂ© ce que lâhiver avait permis de restaurer.
Une réponse concrÚte : les ganivelles, barriÚre naturelle et pédagogique
Face Ă cette situation alarmante, les associations locales de protection de la lagune, en collaboration Ă©troite avec la municipalitĂ©, ont agi. AprĂšs des annĂ©es de sensibilisation parfois peu Ă©coutĂ©e, une solution concrĂšte a Ă©tĂ© adoptĂ©e : lâinstallation de ganivelles.
Ces barriĂšres en bois, gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©es pour protĂ©ger les dunes ou les zones naturelles fragiles, sont aujourdâhui lâun des seuls dispositifs rĂ©ellement efficaces pour empĂȘcher le piĂ©tinement. Elles dĂ©limitent clairement les zones Ă ne pas traverser, canalisent les flux de visiteurs, et crĂ©ent une frontiĂšre visible et respectĂ©e, lĂ oĂč les panneaux Ă©chouaient souvent.
« On a constatĂ© que les gens lisent rarement les panneaux, mais respectent bien plus facilement une barriĂšre physique. Les ganivelles permettent de dire âici, on ne passe pasâ, sans conflit, sans surveillance constante », explique un membre de lâassociation.
Une cohabitation possible⊠si chacun fait un effort
Le but nâest pas dâinterdire lâaccĂšs Ă la lagune du Brusc, mais de permettre une cohabitation respectueuse entre les visiteurs et le milieu naturel. Cela passe par quelques rĂšgles simples :
- Lancer ou remonter son kayak/paddle uniquement aux endroits autorisés, souvent déjà aménagés pour ça ;
- Ăviter de se mettre Ă lâeau au milieu des herbiers ;
- Ne jamais enfoncer sa pagaie dans le fond pour sâaider Ă avancer ;
- Suivre les sentiers et chemins balisés ;
- Expliquer aux autres lâimportance de ces gestes, notamment aux enfants.
Ce sont ces petits gestes qui font toute la différence. Chaque coup de pied dans la vase, chaque pas sur un herbier, peut compromettre des mois de travail scientifique et associatif.
La lagune du Brusc mérite mieux
La lagune du Brusc nâest pas une piscine naturelle, ni un parc dâattraction. Câest un Ă©cosystĂšme vivant, fragile, et essentiel. Chaque Ă©tĂ©, elle accueille des centaines dâespĂšces, visibles ou invisibles, qui dĂ©pendent de lâintĂ©gritĂ© du sol marin pour survivre.
Câest aussi un lieu de recherche scientifique, de restauration Ă©cologique (notamment Ă travers le projet SAR-LAB), et de transmission des savoirs. Voir ses herbiers piĂ©tinĂ©s, ses terriers effondrĂ©s, et ses espĂšces fuir, câest voir des annĂ©es de mobilisation rĂ©duites Ă nĂ©ant.
Un appel à la responsabilité collective
En tant que visiteurs, vacanciers, amateurs de kayak ou de paddle, nous avons tous un rĂŽle Ă jouer. Il ne sâagit pas de culpabiliser, mais de prendre conscience. De respecter. De transmettre.
Les associations de protection de la lagune du Brusc ne demandent pas grand-chose : juste un peu dâattention, un peu de respect, et un changement dâhabitude, pour que les gĂ©nĂ©rations futures puissent encore dĂ©couvrir ce lieu magique.
Parce quâun pas mal placĂ© peut tout ruiner⊠mais quâun pas rĂ©flĂ©chi peut tout changer. đż