🌱 Cymodocée en renaissance : restaurer une plante vitale dans la lagune du Brusc

Au cœur de la lagune du Brusc, l’eau paraît paisible. Pourtant, sous cette surface calme se joue une véritable bataille écologique. Depuis plusieurs années, la cymodocée (Cymodocea nodosa), une plante sous-marine essentielle à l’équilibre de l’écosystème, est en déclin. Entre 2004 et 2014, 30 hectares de cymodocée ont disparu de la lagune du Brusc. Face à cette perte préoccupante, un projet d’envergure a vu le jour : SAR-LAB, porté par l’Institut océanographique Paul Ricard, avec le soutien financier de l’Agence de l’eau. Objectif : restaurer la cymodocée, et avec elle, redonner vie aux fonctions écologiques de la lagune.
La cymodocée, une plante bien plus qu’un brin d’herbe
La cymodocée n’est pas une algue : c’est une plante à fleurs marine, enracinée dans les fonds sablo-vaseux, qui forme de véritables prairies sous-marines. Ces herbiers, présents dans la lagune du Brusc, abritent une biodiversité remarquable : jeunes poissons, crustacés, hippocampes, mollusques… Tous y trouvent refuge, nourriture et abri.
Moins connue que sa cousine la posidonie, la cymodocée est pourtant plus pionnière : elle s’installe dans des zones mobiles, instables, et joue un rôle de stabilisation des sédiments. C’est elle qui colonise les milieux les plus dynamiques, préparant le terrain pour d’autres espèces.
Dans la lagune du Brusc, la cymodocée est une actrice clé de l’écosystème : elle structure le fond marin, améliore la qualité de l’eau et soutient la fonction de nurserie de la lagune. Sa disparition menace donc l’ensemble de cet équilibre délicat.
Un déclin alarmant : 30 hectares perdus en dix ans
Malgré son importance, la cymodocée a subi un déclin dramatique dans la lagune du Brusc. En seulement dix ans, 30 hectares d’herbiers ont disparu, entre 2004 et 2014. Les causes sont multiples : piétinement, ancrage des bateaux, augmentation de la turbidité de l’eau, pollution, mais aussi un envasement progressif du fond de la lagune.
Cette perte représente une régression de près de 98 % de la surface occupée par cette plante dans la zone. Un signal d’alarme fort pour les scientifiques et les gestionnaires du territoire. La lagune du Brusc représentait 5% de toute la cymodocée recensée sur la côte française méditerranéene.
Le projet SAR-LAB : un laboratoire naturel de restauration
Face à cette urgence écologique, le projet SAR-LAB (Suivi et Actions de Restauration dans la Lagune du Brusc) a vu le jour. Il est piloté par l’Institut océanographique Paul Ricard, qui œuvre depuis des décennies à la protection de la Méditerranée. Le projet est financé par l’Agence de l’eau, en partenariat avec des acteurs locaux comme la commune de Six-Fours-les-Plages et les gestionnaires de la lagune.
Le projet SAR-LAB a pour ambition de :
- Tester et mettre en œuvre des techniques de restauration de la cymodocée dans des zones dégradées ;
- Surveiller scientifiquement l’évolution des herbiers replantés ou naturellement recolonisés ;
- Sensibiliser le public à l’importance de ces prairies sous-marines ;
- Évaluer l’efficacité des actions de gestion (limitation du mouillage, lutte contre l’envasement, etc.).
Ce projet est un véritable laboratoire écologique à ciel ouvert, qui combine recherche, expérimentation et pédagogie.
Restaurer la cymodocée : un défi technique et écologique
Restaurer une plante marine comme la cymodocée n’est pas simple. Contrairement aux plantes terrestres, elle pousse lentement, et ses graines sont difficiles à manipuler. Le projet SAR-LAB teste donc plusieurs techniques : plantation de fragments, transplantation de rhizomes, protection de zones naturelles de repousse…
Certaines zones de la lagune du Brusc ont été choisies comme sites pilotes, où les scientifiques suivent l’évolution des plantations, mesurent leur croissance, et évaluent la faune qui y revient. Des balisages ont été installés pour éviter le piétinement et les perturbations pendant cette phase délicate.
Les premiers résultats sont encourageants : dans certaines zones, la cymodocée commence à reprendre pied, les jeunes pousses s’enracinent, et la biodiversité revient.
Un projet qui parle aussi aux visiteurs
L’un des objectifs clés du projet SAR-LAB est aussi de rendre visible ce qui est invisible. En effet, la plupart des visiteurs de la lagune du Brusc ignorent l’existence de la cymodocée, et encore plus les efforts pour la restaurer. C’est pourquoi le projet intègre un important volet de sensibilisation.
Des panneaux explicatifs ont été installés sur les sentiers autour de la lagune du Brusc. Des visites guidées et des animations sont proposées, notamment pour les scolaires et les familles. L’idée est simple : plus on connaît, mieux on protège.
Les touristes sont ainsi invités à adopter des comportements responsables : ne pas jeter l’ancre dans les herbiers, éviter de marcher dans l’eau dans les zones sensibles, ne rien ramasser sous l’eau…
Redonner vie à la lagune du Brusc
La restauration de la cymodocée est une opération de longue haleine, mais elle est essentielle. En redonnant vie aux herbiers, le projet SAR-LAB permet à la lagune du Brusc de retrouver son rôle écologique fondamental : être un refuge, une nurserie, un filtre, un poumon marin.
Ce projet est aussi un exemple inspirant de coopération entre science, gestion locale et citoyens. Il montre que même face à une dégradation importante, il est possible d’agir, de restaurer, de réparer.
Et surtout, il rappelle que derrière chaque herbe marine, il y a toute une chaîne de vie qui dépend de nous.